jeudi 27 septembre 2012

Cheveux chéris

"frivolités et trophées"??

Bruns, roux ou blonds, raides, souples ou frisés, longs, courts ou rasés, organisés, libres ou en désordre, les cheveux s'exposent au musée du Quai Branly. Du superficiel au tragique, on navigue à travers le monde et les siècles, entre une coquetterie plutôt niaise voire extravagante et un fétichisme assez repoussant, voire insoutenable. Matière organique humaine malléable, mi-vivante mi-morte, le cheveu est à la fois un puissant et fragile symbole de vie, dont la perte est associée au deuil. Mais imputrescible, il se révèle un support de l'aura de son propriétaire (ce qui permet de garder sa mémoire) autant qu'un fil nous reliant à l'au-delà...
Or ne dit-on pas que "la vie ne tient qu'à un fil"?
Voici donc les œuvres pour lesquelles j'ai eu un vrai "coup de cœur", notamment pour leur caractère sacré, positif ou émouvant. Une façon de quitter la matière organique et d'opérer ainsi, dans le sens inverse de celui de l'exposition (vie --> mort), une agréable re - naissance...


UTILISATIONS

Elles sont très diverses: simple ornement, objet rituel, support de mémoire...


1 - comme ornement:

Dans de nombreux pays, en Océanie, en Amérique, en Afrique, en Asie ou même en Orient, les cheveux sont employés comme éléments de parure: les mèches sont cousues sur des coiffes, des accessoires ou même des bijoux...


Parure de femme juive; cheveux, soie et fils dorés; Ouzbékistan, Boukhara, 20ème siècle.
 
 Ici les cheveux se confondent aux fils de soie et d'or..


Idem, détail.

 Là, ils se mêlent à des perles turquoises, couleur porte-bonheur...


Coiffe de femme en cheveux, laine, coton, perles et filet métallique; Inde, Ladakh, 20ème siècle.


2 - comme objet rituel:

 La coupe des cheveux étant très liée aux rites de passage, les mèches sont placées sur les objets rituels, matérialisant l'accession à un nouveau statut tout en conservant le souvenir de l'ancien.


Détail d'une coiffure en cheveux, fibres végétales, plumes et coquillages; Papouasie Nouvelle Guinée.

 Chez les Papous, après leur initiation à l'indépendance, les hommes se parent d'une grande coiffe arborant cheveux et symboles de virilité;


Chapeau en fibres végétales, cheveux, coquilles; Indonésie, Kalimatan, 19ème siècle.

 tandis qu'en Indonésie, on protège les nouveaux-nés du soleil avec un immense chapeau de paille tressé, orné de petites mèches et de coquillages.


3 - comme support de mémoire:

les "ouvrages en cheveux", très aimés à la période Romantique (19ème siècle), constituent un souvenir "vivant" faisant parfois l'objet d'un véritable culte,


Bracelet de la reine Hortense en cheveux tressés, turquoise et or; 19ème siècle.

 qu'ils soient bruns ou blonds,


Médaillon en or et verre contenant des cheveux de la reine Marie-Antoinette et du Dauphin.

 portés en bracelet ou en médaillon...



COIFFURES DE CHEVEUX LONGS EN PHOTOS

Ces quelques clichés mettent en évidence les différents sens que peut prendre le port d'une longue chevelure chez une femme: deuil, sensualité, maîtrise ou lumière...


1 - le deuil:

A Madagascar, lorsqu'une femme merina perdait un membre de sa famille, la coutume voulait qu'elle se laisse pousser les cheveux. En Europe, c'est plutôt le contraire: tradition héritée de l'antiquité grecque, on les cache, à la mort d'un être cher, en les voilant et/ou en les coupant. Dans les deux cas, il s'agit de cesser d'être attirante et de laisser de côté pour un temps des préoccupations trop futiles en regard de l'évènement funèbre..


Femme merina en deuil, photographie, Madagascar, 1880-1909.


2 - la sensualité:

libres, les cheveux longs expriment la féminité et le toucher. Pour autant, les femmes qui portent cette coiffure ne cherchent pas nécessairement à plaire aux hommes, ce choix pouvant être parfois purement esthétique..


Métisse tagalo-chinoise, photographie, Philippines, 1870-1885.


3 - la maîtrise ?

ici, le chignon pourrait laisser croire que la féminité est maîtrisée, le peigne retenant les cheveux. Pourtant, une délicate sensualité s'échappe du cou... On remarquera au passage l'analogie entre les cheveux enveloppant le peigne et les plis du tissu enveloppant le corps de Marie Laurent.. De l'art de séduire sans en avoir l'air...


Marie Laurent de dos photographiée par Nadar, 1856.


4 - la lumière:

angéliques, les cheveux blonds semblent auréoler sa propriétaire tels des rayons solaires. Idéalisés dans les légendes celtes et nordiques, symboles de pureté, leur part d'ombre serait-elle inexistante? Pourtant l'Histoire ne manque pas d'exemples inhumains à ce sujet... De quoi réfléchir et méditer longuement en regardant la composition de l'affiche de l'exposition...


Suzanne Cloutier, photographie, 20ème siècle.



REPRÉSENTATIONS EN SCULPTURE

Avec la peinture, la sculpture s'éloigne de la réalité du cheveu, pour le styliser et l'immortaliser. Pudeur, pureté sacrée ou substitut?


1 - la pudeur:

Les longs cheveux recouvrant les parties intimes du corps expriment la pudeur. Sur cette statue de Marie Madeleine, ils l'habillent comme une fine robe soyeuse et ondulante protégeant son corps tout entier des regards comme de l'agitation vaine des hommes.


Sainte Marie Madeleine, dite aussi "Marie l'égyptienne", 14ème siècle, France.


Idem, de dos. En arrière plan, on aperçoit les peintures de trois rois de France portant barbe et longue chevelure...


2 - la pureté:

Alors que l'entrée en religion peut se traduire par le fait de laisser pousser ses cheveux à l'infini comme ci-dessus, elle peut aussi, à l'inverse, être signifiée par des cheveux cachés, coupés ou rasés. Dans tous les cas, il s'agit de marquer une frontière entre sacré et profane, de manière à conserver sa pureté...


Prêtre d'Isis chargé de porter l'eau sacrée, sculpture en bronze, Égypte, Erment, 2ème - 1er siècle avant J.C.


3 - le substitut?

Que faire quand on n'a pas ou plus de cheveux, ou que des maladies circulent de toutes parts et qu'on ne veut pas vivre sans rien sur la tête? Choisir une perruque!
Ci-dessous: sculpture, vrais cheveux ou perruque? On ne sait plus...


Coiffure, faïence, Egypte, 1391-1295 avant JC.


Informations concernant l'exposition au musée du Quai Branly ici:

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