jeudi 31 mai 2012

Petite réflexion sur la ligne

Ensemble noir, Yves Saint Laurent, 1999-2000.

"La ligne doit avant tout son élégance au dépouillement et à la pureté de sa construction. La ligne du corps compte avant tout. Jamais de surcharge; il ne faut pas trop de fantaisie." YSL.

Blouse fumée translucide, jupe et veste courte brodées, Yves Saint Laurent, 1976.

J'ai toujours su qu'une bonne ligne tient autant à la coupe du vêtement, à ses proportions et à celles du corps qu'à la façon de le porter, de se mouvoir avec. Le reste, du moment qu'on n'en fasse pas trop importe peu finalement. La coupe et les proportions, issues de cette ligne, de ce trait de départ sont les premières choses que l’œil remarque juste avant la couleur, comme une silhouette dans le lointain.
L'avantage du sur-mesure, à ce niveau, apparaît évidente: un modèle, pour un tombé parfait, doit s'ajuster aux mesures du corps, que nous avons tous différent. C'est indispensable pour se sentir à l'aise dedans, comme une seconde peau.
Quoiqu'il en soit, en redessinant ces deux modèles, surtout le premier, ça me faisait un drôle d'effet de tracer l'esquisse: mon crayon, qui d'habitude suivait mes envies stylistiques me désobéissait, porté par la beauté des originaux. Bien sûr, mes croquis n'ont pas le visage de profil à la Cocteau si caractéristique de ceux de Saint Laurent. Néanmoins, la ligne du tailleur féminin (ici dans une version orientale), alors même que je l'ai reproduite, est très reconnaissable. 
Voilà sans doute le secret du style qui, contrairement aux modes, "est éternel": même copié par quelqu'un d'autre, il reste celui voulu par son auteur. Et le fait qu'il soit copié montre qu'il a du succès, comme disait Coco Chanel... Un bon sujet à méditer..

Le VCF en Alsace


Cette année, l'Assemblée Générale du Voxan Club de France avait lieu à Sondernach, dans la vallée de Munster, en Alsace.


L'occasion pour tous les "bikers" du club de (re)découvrir cette belle région, aux maisons colorées...


..et aux cigognes bien vivantes!


Une fois garés, on admire la vue, la nature...   et les bécanes!


Ambiance du tonnerre au centre de vacances,


de jour...


 comme de nuit!


Un petit clin d’œil au rouge Gardette...


But!


Un side-car bleu roi trône au centre du parking...


Et voilà déjà l'événement dans le rétroviseur...


En tout cas on garde les membres du bureau, qui ont été réélus, dont la Présidente, ainsi que de superbes souvenirs!

mercredi 30 mai 2012

Rêves de laque, le Japon de Shibata Zeshin




Si vous vous rendez au musée Cernuschi prochainement, je vous recommande l'exposition "Rêves de laque": 70 œuvres signées du célèbre maître laqueur Shibata Zeshin, bien mises en valeur, y révèlent toute leur splendeur. Boîtes, petits accessoires, inrôs, bols, plateaux, paravents et peintures sur soie, chaque objet dans sa perfection et son raffinement suscite l'émerveillement... et nous transporte au Pays du Soleil Levant, en plein 19ème siècle.

Shibata Zeshin (1807-1891), fils d'une famille de charpentiers, apprend l'art de la laque dès 11 ans, auprès d'un des plus grands maîtres d'Edo ayant servi les shoguns. Plus tard, il décide de compléter sa formation chez des peintres de l'école réaliste. A partir de 1840, il met au point de nouvelles techniques de laquage: enduit à motif de vague préparé avec un peigne et de l'amidon, laques imitant le bronze, le bois de rose ou la céramique à la perfection (vraiment incroyable!), peinture de laque (urushi-e) sur soie et papier... Des méthodes novatrices, uniques, particulièrement longues et difficiles à mettre en œuvre.

Shibata Zeshin a vécu la première partie de sa vie dans un Japon ancien, encore dominé par les samouraïs, et se devait donc d'obéir à des commandes très strictes. Mais en 1868, la période Edo prend fin pour laisser place à l'ère Meiji, à un pouvoir impérial et à une modernisation doublée d'une ouverture sur le reste du monde. Il devient alors plus facile pour les artistes de renouveler les savoir-faire et les styles ancestraux. 

Les innovations de Shibata Zeshin seront ainsi appréciées au Japon et aussi lors des Expositions universelles de Paris, Vienne et Philadelphie. Récoltant de nombreux prix, il reste prisé des collectionneurs du monde entier, à commencer par l'Allemand Samuel Bing, à l'origine de l'Art Nouveau. Les pièces présentées dans l'exposition font partie de la collection Catherine et Thomas Edson (San Antonio Museum of Art).

La laque est issue de la sève de l'arbre à laque, urushi no ki (Rhus vernicifera), récoltée puis filtrée, raffinée et colorée. Ensuite, on l'étale sur un support en bois, cuir ou céramique par couches fines successives séchées et poncées une par une très méticuleusement. Lors de l'application, du séchage et du ponçage, la température et l'humidité jouent un rôle essentiel en raison de la composition chimique de la laque urushi, qui sèche uniquement à 25-30 C° et à une hygrométrie de 75 à 80%. Ce procédé serait appliqué depuis environ 9000 ans au Japon, lieu de son invention.

Les décors sont réalisés en déposant de la poudre d'or ou d'argent (motif maki-e, "éparpillé"). Il existe aussi la technique "chinkin", consistant à entailler la laque déjà appliquée et à y incorporer une feuille métallique poncée par la suite, laissant apparaître les creux minuscules couleur or sur fond noir. Autre ornement possible: les fines incrustations de nacre, appelée "raden".. Pour fixer ces délicats rajouts, on applique alors encore plusieurs couches de laque à peine perceptibles, qu'on ponce une par une, à l'aide d'un charbon.

Puisqu'on parle de laque urushi, de maki-e et de raden, voici un lien vers Plume et bille, un magasin parisien proposant notamment à la vente de sublimes stylos Namiki recouverts à l'aide de ces méthodes:
Et pour ceux qui voudraient découvrir le site nippon, le voici:
Note: en cas d'achat d'un objet si précieux, se rappeler d'éviter à tout prix de lui faire subir des changements violents de température et d'humidité!
Plus d'informations sur l'exposition ici:

Musée Cernuschi 3


Grue, bronze, Japon, 19ème siècle.

Au musée Cernuschi, la cage de l'escalier principal ainsi que le palier du premier abritent la plupart des pièces les plus imposantes...

Grue en bronze, Japon, 19ème siècle.

comme ces grues géantes,

Grues en bronze, Chine, 18ème-19ème siècle. Fontaine en bronze, Japon, 19ème siècle.

cette fontaine au couvercle très vivant...

Détail du dessus de la fontaine.

ou ce brûle-parfum au dragon...

Brule-parfum dragon en bronze, Japon, 19ème siècle.

ou encore ces splendides vases aux dimensions improbables...

Détail d'un vase en porcelaine bleue et blanche, Japon, 1894.

..et enfin ce somptueux cheval de terre cuite:

Le vase en question, immense, avec un cheval en terre cuite de Chine, 25-220 après JC.

Visite de la collection permanente gratuite;
plus d'informations ici:

Musée Cernuschi 2


Ascension bouddhique..

En s'élevant d'un étage, on découvre de nombreuses statues de Bouddha en position du lotus, chacune d'un style différent..

Bouddha Amitabha en marbre, Chine, 550-577 après JC.

avec ou sans décor fleuri autour, et un visage assez variable selon le lieu d'origine et l'époque de la sculpture.

Fragment de catafalque en marbre, Chine, première moitié du 6ème siècle après JC.

Les animaux mythologiques ornent les murs et de nombreux éléments architecturaux..

Tête de Bouddha en grès, Chine, 535-556 après JC.

Certains motifs, quant à eux, semblent symboliser des éléments immatériels comme les ondulations sur la tête de ce Bouddha l'énergie et la concentration qui s'amplifient au fur et à mesure de la méditation.

Quatre suivantes en terre cuite, Chine, 386-534 après JC.

On trouve aussi de nombreux personnages de la vie de tous les jours en terre cuite,

Deux suivantes en terre cuite, Chine, 7ème siècle après JC.

comme cette série de suivantes, dont la silhouette servit de modèle aux poupées japonaises "kokeshi" en bois,

Deux suivantes en terre cuite, Chine, 7ème-8ème siècle après JC.

élégantes femmes enveloppées dans leurs soies multicolores (les statuettes étaient peintes),

Danseuse et musiciennes en terre cuite, Chine, 618-907 après JC.

ou ce groupe de musiciennes et danseuse.

Cheval en terre cuite, Chine, 618-907 après JC.

Le cheval est l'un des animaux les plus représentés avec les félins et les oiseaux puisqu'il fait depuis longtemps déjà partie du quotidien...

Chameau en terre cuite, Chine, 618-907 après JC.

Quant aux chameaux, issus du Moyen-Orient, rassemblés en caravanes, ils transportent la soie de la Chine vers l'Occident... Celui-ci a trouvé au musée un tout autre rôle puisqu'il sert de repère lors de la visite: "pour redescendre, prenez l'escalier à droite juste après le chameau!" ne cessent de répéter les gardiens aux touristes de passage..

Collier et ornements de tempe en cristal de roche, améthyste et or, Mongolie (?), premier quart du 12ème siècle après JC.

Une fois redescendu, on admire alors de magnifiques parures en or,

Parure funéraire en bronze et argent doré, Mongolie (?), premier quart du 12ème siècle après JC.

en particulier cette coiffe composée de 24 plaques ajourées, ornées chacune de canards mandarins et de phénix ainsi que d'un joyau enflammé sur le dessus..

Bols en bois et or, Chine, 907-1125 après JC.

sans oublier des objets de culte bouddhique, tels ces deux bols en bois doré.

Visite de la collection permanente gratuite;
plus d'informations ici:

Musée Cernuschi 1


Reflet d'une des salles du musée dans une vitrine.

Situé à proximité du parc Monceau (Paris 8ème), le musée Cernuschi conserve de très belles collections d'objets d'art asiatique, en particulier chinois et japonais. La Chine ancienne, de 2000 ans avant notre ère à la période médiévale, y est très bien représentée.

Bol Yu pour l'eau ou les céréales, Chine, 1300-1050 avant J-C

Bronzes, jades, armes, objets rituels et récipients divers sont souvent couverts de motifs géométriques répétitifs très reconnaissables à leurs formes de spirales serrées les unes contre les autres..

Manches d'épée courte en or et fer, Chine, 7ème siècle avant JC.

Certaines parties présentent une face recouverte d'or... Mais la plupart des pièces offrent au regard une jolie patine vert bleutée, signe de leur ancienneté et d'un certain mystère quant à la vie de ceux qui les fabriquèrent et les utilisèrent...

Bouteille Hu pour les boissons fermentées; bronze, Chine, 6-5ème siècle avant J-C.

Les animaux (félins, oiseaux...) forment des anses, des cuillers, ou d'autres détails se laissant voir à condition d'avoir les yeux suffisamment attentifs...

Cuiller pour les boissons, terre cuite, Chine, 4ème siècle avant J-C.

Peu à peu les scènes mythologiques et le Bouddha méditant deviennent des sujets récurrents dans l'art chinois et japonais..

Grand Bouddha en bronze, Japon, 19ème siècle.

Cependant, des œuvres à vocation plus modeste et aux thèmes plus réalistes continuent d'être fabriquées..

Tour et bassin en terre cuite glaçurée, Chine, 25-220 après J-C.

comme cette tour en terre cuite, par exemple..

Idem, vue latérale.

.. avec toutes ses miniatures...

Détail du bassin avec ses petits sujets (tortues, canards etc).

ou encore cet oiseau de bois peint, surprenant par ses formes simples, stylisées et pourtant si expressives:

Phénix en bois, Chine, entre 206 avant J-C et le 9ème siècle après J-C.

Les Chinois avaient paraît-il beaucoup d'avance sur nous dans de nombreux domaines (technique, astrologie, spiritualité...). En regardant cette femme assise datant des 1er-3ème siècles après JC, ne dirait-on pas une dame de cour du Moyen-Âge occidental??

Dame assise en terre cuite glaçurée, Chine, 25-220 après JC.

Les parties métalliques décoratives des armes, des accessoires vestimentaires et autres, deviennent, au fil des siècles, de plus en plus raffinés:

Boucle de ceinture en or et pierres fines et ornement de hallebarde en forme d'oiseau en bronze argenté, Chine, entre 206 avant JC et 9ème siècle après JC.

Bronze et argent retravaillés puis dorés à la feuille, incrustations de pierres et métaux précieux ou sculptures en forme d'animaux,

Agrafes en bronze incrusté, Chine, entre 481 et 221 avant JC.

aucun détail n'est négligé..

paire de poignées ornées de félins en bronze doré, Chine, 206 avant JC - 9ème siècle après JC.

Visite de la collection permanente gratuite;
plus d'informations ici:

mardi 29 mai 2012

Kabuki




C'est un univers à l'esthétique extrêmement raffinée mais dans lequel on ne se plonge pas aisément: le théâtre japonais reste en effet hermétique pour beaucoup d'entre nous. Dès l'entrée de l'exposition, un grand écran diffuse des extraits de pièces célèbres où l'on voit des visages étranges, des costumes chatoyants et des poses parfois loufoques. La bande son est tout aussi mystérieuse, alternant entre silences, chants ou cris, accompagnés de quelques instruments de musique traditionnels.
Le kabuki est la forme populaire du théâtre nippon: inventé au 17ème siècle (début de la période Edo), il se compose de chants (ka), de danses (bu) et de jeux de scènes originaux (ki).
D'abord interprété que par des femmes, il devient exclusivement masculin dès 1629, les règles devenant de plus en plus restrictives. Ceux qui jouent les rôles féminins prennent le nom d'onnagata. Peu à peu, le genre prend sa forme définitive avec ses caractéristiques propres tel qu'on le connaît aujourd'hui. 

L'extravagance des costumes (kitsuke), leurs couleurs vives ainsi que le maquillage (kesho), très voyants, sont faits pour être reconnus de loin, au premier coup d’œil. Car les représentations avaient très souvent lieu en extérieur, sur une scène aux décors mouvants plutôt sommaires. 
Le répertoire se compose de pièces historiques (jidai mono) ou du quotidien (sewa mono), ou encore reprend celles du théâtre no. Autrefois, le spectacle durait une journée, le public déjeunant et bavardant sur place. Aujourd'hui, on ne propose plus que des extraits des textes, très longs. 
Dans le kabuki, on assiste aussi à des morceaux de danse (shosagoto) où les personnages masculins miment des combats ou des conflits et les personnages féminins courent ou se contorsionnent, balayant le sol de leurs kimonos de soie, un coup à gauche un coup à droite, très rapidement. Les "kata", regroupant déplacements, gestuelle et performances vocales relèvent ainsi d'un entraînement si rigoureux que les acteurs doivent se spécialiser dans un rôle, auquel correspond un costume très précis.

Il y a, par exemple, des kimonos aux motifs fleuris pour les courtisanes, d'autres richement décorés pour les samouraïs, ou d'autres encore ornés des blasons familiaux, etc. Les broderies de soie, d'or et d'argent ainsi que les couleurs sont choisies en fonction des saisons, de la position sociale et du rôle familial. 
Certains vêtements permettent des effets changeants (l'acteur aidé par un assistant dissimulé derrière lui transforme son kimono blanc en costume enflammé pour montrer sa colère; ou alors il déploie des manches démesurées..). Plus surprenant encore, le "kamiko", un kimono de soie et papier calligraphié que se confectionne un amant malheureux avec les lettres d'amour de sa courtisane.
On compte également de nombreux accessoires: sandales, geta (chaussures en bois découvertes), éventails, sabres en bois, inrô, obi (ceintures), ombrelles en bambou, perruques, coiffes, lanternes etc, chacun aidant à identifier les personnages.

Les costumes et accessoires présentés dans cette exposition de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent sont prêtés par la société Shôchiku Costume de Tokyo, les œuvres graphiques par le musée Guimet.